Métiers anciens, métiers nouveaux (2018)
« Il n’existe que trois êtres respectables : le prêtre, le guerrier, le poète. Savoir, tuer et créer ». Charles Baudelaire, 1863
Enfant, j’ai été élevée dans une famille où la valeur travail signifiait beaucoup. Veuve, mon arrière-grand-mère maternelle est devenue «aubergiste», en 1917, tenant seule un café avec sa sœur en Bretagne. Egalement veuve, à l’âge de 43ans, ma grand-mère maternelle travailla aux PTT toute sa vie, de 17 à 65ans pour subvenir aux besoins de sa famille. Enfant, j’ai toujours vu mes parents beaucoup travailler. Mon père, électricien de formation, a dû assumer deux professions pendant 10 ans-l’une la nuit, l’autre en journée- avant de devenir chef d’entreprise.
Dans l’histoire de l’art, et au XXè siècle, certains artistes se sont déjà intéressés au sujet des métiers, par le biais de portraits ou de séries : le plus souvent des photographes comme Eugène Atget (« Les petits métiers de Paris »), August Sanders (« Visages d’une époque »), Irving Penn (« Les petits métiers »), François Kollar (« La France travaille »), mais aussi des peintres tels Chaïm Soutine (le petit pâtissier, le groom, le garçon de café), Georges Rouault (avocat, acrobates), et Pierre Alechinsky. A y regarder de plus près, il est très étonnant de constater que ces métiers sont presque exclusivement masculins : la femme est souvent absente de ces portraits…. exceptées « la marchande de ballons » photographiée par Irving Penn en 1950, « la couturière » -eau forte et pointe sèche d’Alechinsky de 1948 et quelques ouvrières photographiées par Lewis Hine, en 1930, aux Etats-Unis. En revanche, l’éternelle figure de la prostituée a maintes fois été exploitée par les artistes. Comme si, jusque dans les années 50, l’unique travail féminin révélé était celui de la « professionnelle du sexe » ….
Et, en filigrane, cette éternelle interrogation : Artiste est-il un métier ? Un artisanat ? Un privilège ? Une malédiction ? « L’enfance retrouvée à volonté » ?
Artiste : un parasite sacré ? « Être artiste, c’est avant tout quelqu’un de soumis. Soumis à des messages mystérieux, imprévisibles, qu’on devait faute de mieux et en l’absence de toutes croyances religieuses qualifier d’intuitions (…). Ces messages pouvaient impliquer de détruire une œuvre, pour s’engager dans une direction radicalement nouvelle, sans direction du tout, sans disposer du moindre projet, de la moindre espérance de continuation (…) C’est en cela, et en cela seulement, qu’elle se différenciait des autres professions et métiers auquel Jed allait rendre hommage dans la seconde partie de sa carrière ». Michel Houellebecq, 2010 (La carte et le territoire).